Blanc comme neige, George Pelecanos

 

La série The Wire est encore meilleure au second visionnage. J’ai profité des vacances pour revoir l’entièreté de cette fresque magistrale et j’en suis sorti à nouveau ébahi. Encore d’avantage que la première fois.

Quel rapport avec la choucroute me direz-vous ?

Pour les quelques-uns du fond de la salle qui n’ont pas été attentifs, le nom de George Pelecanos apparaît régulièrement au générique en tant que scénariste. Intrigué, je me suis intéressé à sa production littéraire et je découvre la série Derek Strange et Terry Quinn.

Derek est noir, ancien flic désormais détective privé. Terry est blanc, il a dû quitter la police après avoir abattu un collègue noir, en civil ce soir-là. Derek va être amené à enquêter sur cette affaire à la demande de la mère du policier abattu. Après avoir rencontré Quinn et convaincu par sa version de l’affaire, Derek va en faire son équipier sur l’enquête. Ensemble, Ils vont plonger dans les bas-fonds de Washington pour tenter de faire la lumière sur cette histoire.

Ce qui frappe d’entrée c’est le réalisme de Pelecanos. Pas d’esbroufe, pas d’effets de manche. Tout sonne vrai, les dialogues, les personnages. Pas de héros, les pourris sont humains, les personnages ont tous leur travers et leurs démons. Le sens du détail est journalistique, la dimension sociale est extrêmement présente, de même que le propos politique. Pelecanos s’inscrit ainsi dans la veine du roman noir social, et on comprend son rôle de scénariste pour The Wire tant l’ambiance est similaire.

L’intrigue est parfaitement ficelée, intéressante, on suit l’enquête avec l’envie de découvrir ce qui a pu amener Terry à abattre ce policier. Le racisme est au cœur du bouquin, celui des dealers, des flics, celui des institutions, le racisme systémique aussi. Pelecanos pose de façon très intelligente la question de ce qui nous pousse à agir.

Un très bon premier tome, je poursuivrai la série !


Publié par Lux

Couleurs de l'incendie, Pierre Lemaître

 


Couleurs de l’incendie est le deuxième volet d'une trilogie dont le premier opus n'est autre que le chef d'œuvre et mon immense coup de cœur Au revoir là-haut.

Pierre Lemaître nous fait découvrir la vie de Madeleine Péricourt (sœur d'Edouard pour ceux qui ont lu le premier) et de Paul, son fils, pendant la période de l’entre-deux-guerres.

Ce que j’ai préféré dans ce livre est la résilience des personnages principaux. Je me suis dit en le refermant que parfois la volonté de vivre et de vaincre peut être plus forte que les traumatismes. Pierre Lemaitre a ce talent, que je compare à celui de Douglas Kennedy, qui consiste à doter ses personnages d'une vraie force de caractère guidée par le besoin de s'en sortir.

Pierre Lemaître m'a emportée dans son histoire et m’a émue mais, parce que c'est un après Au revoir là-haut, je m'attendais à plus de folie, à plus d’émotions.

C'est un très bon livre et une suite qui augure une trilogie puissante.




 Publié par Coraline

Il faut qu'on parle de Kevin, Lionel Shriver


Il y a des livres qui percutent. Il faut qu’on parle de Kevin en fait partie.

Son effet sur moi a été lent et à retardement.  La lecture m'a parue un peu longuée, répétitive et malgré l’intensité du récit il me tardait de le terminer. Je me suis donc dit que je n’en garderais pas un souvenir impérissable.

Je me suis complètement trompée ! Ça fait des mois que je l’ai fini et j’y pense très souvent. Les images très claires de ma lecture refont surface, me perturbent et continuent de me travailler.

Parce qu’il faut le dire, le thème est quand même assez dur. C'est l'histoire tragique et glauque de Kevin, qui à l’adolescence élabore un plan avec autant d’intelligence que de machiavélisme dans le but de tuer des gens qu’il a minutieusement ciblés. Son plan sera mis à exécution avec le plus grand sang froid et fera de lui un tueur de masse à 16 ans.

La narratrice est la mère de Kevin et chaque chapitre est une lettre qu’elle adresse à son ex compagnon, père du jeune homme. On découvre alors leur histoire d’amour, leur désir d’enfant et leur vie commune jusqu’au drame. Elle ne tente à aucun moment d’expliquer ni excuser son fils mais elle relate avec beaucoup de précision, d’impudeur et d’acuité ce qui a permis à Kevin d’être ce qu’il est. Elle dépeint une réalité où la violence se mêle à la tendresse, un état de fait, sans tomber dans le remord ou la justification. C’est la photographie de la vie d’une famille « normale » qui bascule dans l’horreur.

Le livre interpelle aussi et met mal à l’aise parce qu’il aborde le thème de la maternité avec beaucoup d’intransigeance. La narratrice nous livre ses doutes, ses peurs et ses erreurs. Sa poignante lucidité est ce qui rend le récit dense et extrêmement précis mais le style très descriptif et monotone m’a un petit peu lassé au fil de la lecture. En tout cas, ce livre m’a profondément marquée et continue de nourrir une de mes pensées obsessionnelles : comment expliquer le mal ?

Il faut qu’on parle de Kevin a été écrit par Lionel Shriver au début des années 2000 et a été adapté en film et série radiophonique.


 Publié par Coraline

La Vie devant soi, Émile Ajar, Romain Gary

C'est non pas le récit qui m'a fait commencer La Vie devant soi mais plutôt l'histoire autour de ce livre. Pour ceux qui ne savent pas Romain Gary a réussi l'impossible, à savoir remporter deux fois le prix Goncourt. Une première fois avec Les Racines du ciel en 1956 et une seconde fois avec La Vie devant soi en 1975. Il a écrit ce dernier sous le pseudonyme d'Émile Ajar, d'où le tour de force. Je me suis dit que forcément cet écrivain devait avoir quelque chose en plus et que ce roman devait être spécial.

Quel grand livre ! Je vais essayer de ne pas trop en faire pour que vous ayez encore envie de le lire.

Je l'ai lu en moins de 48 heures, j'étais dans cet univers parisien où vit Momo, enfant abandonné par sa mère prostituée et confié à Mme Rosa, ancienne prostituée elle-même, qui s'est recyclé en nourrice. Le récit, qui se déroule sur plusieurs années, nous immerge dans leur quotidien et fait évoluer ces personnages au gré du temps.

L'écriture fait presque tout. Elle est drôle, imagée et évocatrice. À chaque page j'ai relevé des mots ou des phrases qui tantôt me faisaient rire, tantôt me laissaient pensive, pleine d'admiration. Il faudrait lire ce roman à haute voix pour s'imprégner davantage de cette plume si singulière.

Les personnages sont extrêmement touchants et pleins de vie malgré leurs conditions plus que difficiles. À travers les yeux de Momo, le récit balaie pas mal de questions tabous comme le racisme, la religion ou l'euthanasie. Ce qui fait la force de ce roman c'est justement que c’est un enfant qui n’a pas reçu d'éducation qui traite ces sujets. C'est donc plein de bons sens, jamais dans le pathos et toujours drôle.


J'ai trouvé ce livre brillant et j'ai hâte de le relire pour apprécier davantage toutes ses subtilités.

 Publié par Coraline

Toute la lumière que nous ne pouvons voir, Anthony Doerr

Toute la lumière que nous ne pouvons voir a été écrit en 2014 par Anthony Doerr, écrivain américain, et lui valut le prix Pulitzer 2015. L'histoire se déroule pendant la Seconde Guerre mondiale et présente le destin de deux héros, Marie-Laure, jeune fille aveugle, et Werner, jeune homme orphelin. La première est française et incarne le camp de la résistance alors que le second est allemand et employé par la Werhmarcht.

Dans une vision d’ensemble j’ai trouvé l'écriture soignée, travaillée, et les personnages ont une réelle profondeur. C'est une fresque bien menée grâce à une ambiance parfaitement retranscrite. Mais, et il y a un mais…

Ce qui m’a amenée à lire ce livre c’est le titre, évocateur de liberté, de beauté et d'espoir. J’espérais que ces deux personnages vivent des aventures, certes pas faciles, mais salvatrices. Je m'attendais à ressentir des émotions grandes et belles malgré le contexte, je rêvais de lire un livre où la guerre ce n'est pas qu’horrible (bien que ce soit malheureusement le cas) mais parfois dans le malheur nous pouvons trouver une lueur d'espoir, la lumière que nous ne pouvons voir.


Je n'ai pas trouvé ce que j'aurai aimé ressentir et pendant toute ma lecture j'étais dans l’attente que quelque chose arrive. Je me suis pour la plupart du temps ennuyée. Je ne dis pas que ce livre est mauvais, loin de là, seulement j'ai été déçu j'attendais des fulgurances et je ne les ai pas lues.


  Publié par Coraline

Watership Down, Richard Adams

Si vous aimez le civet de lapin, arrêtez votre lecture tout de suite, ce qui va suivre pourrait vous en dégoûter à jamais !
Car nous allons parler de lapins, oui, mais pas dans nos assiettes. Ici, il sera question d’aventure, de bravoure, d’amitié. Alors, alléchés ?

Watership Down est un vieux bouquin, publié en 1972 et paru en France sous le titre Les Garennes de Watership Down par Flammarion en 1976. En septembre 2016, Monsieur Toussaint Louverture dont on ne saluera jamais assez le travail, a eu la bonne idée de republier ce classique vendu à plus de 50 millions d’exemplaires dans le monde, rien que ça.

Avant de rentrer dans le vif du sujet, un mot sur l’objet en lui-même qui est magnifique, tout est soigné, de la couverture au papier.

Nous suivons donc des lapins, vivant comme des lapins dans leur garenne. Oui, sauf que l’un d’eux, Fyveer a des visions et prédit qu’il faut absolument quitter l’endroit où ils vivent car un grand malheur va s’abattre sur eux. Son frère Hazel lui fait confiance et c’est ainsi, accompagnés par d’autres lapins de la garenne que débute notre aventure. C’est un véritable voyage épique qui attend nos compagnons qui vont vivre mille péripéties et devront affronter de biens grands dangers pour survivre.

J’entends déjà les sceptiques se gloser : un livre de fantasy ? Avec des lapins ? C’est un conte pour les enfants ?

La réponse est non ! Même si Richard Adams a imaginé cette histoire pour la raconter à ses enfants (tiens, ça me rappelle un autre grand nom de l’imaginaire…), l’auteur adopte un ton résolument adulte voire sombre à certains passages.

La grande force du récit, c’est qu’à aucun moment, Richard Adams ne cède à l’anthropomorphisme qui nous ferait oublier que nos héros sont des lapins. Comportement, langage, culture, systèmes sociaux, mythologie, tout est imaginé à hauteur de nos petits lagomorphes, ce qui rend l’ensemble crédible et passionnant.

On sent l’amour de l’auteur pour la nature et toute la vie que nous ne remarquons pas toujours. Les descriptions de cette campagne anglaise sont très réussies, la pluie, le vent, la lumière, on y est.


L’ensemble donne une aventure singulière, épique portée par des personnages attachants et une plume envoûtante. J’ai adoré. Un classique.


Publié par Lux

Sukkwan Island, David Vann

Jim, père de deux enfants, divorcé de leur mère et séparé de sa deuxième compagne, décide d'emmener son fils Roy, 13 ans, sur une île déserte au sud de l'Alaska. Ils vont apprendre à survivre dans des conditions de vie très difficiles et surtout apprendre à vivre ensemble et à se connaître jusqu’à ce qu'un drame vienne tout changer (ou tout révéler).

Je ne peux pas dire que j'ai adoré ce livre, non pas à cause de l’écriture, bien au contraire. Mais tout simplement parce que je ne veux pas me l’avouer. Sukkwan Island fait partie des livres que je n’aime pas aimer. Pourquoi ? Parce que c’est une histoire horrible, noire, triste, dure et extrêmement glauque. Et pourtant…

Ce que j'aime particulièrement dans ce roman c'est la gestion des paradoxes et des contrastes, qui illustre la complexité des comportements humains. C’est extrêmement réaliste et intelligent.

Jim est en manque d'affection, d’amour et pour apaiser ce vide il décide de partir sur une île déserte. Il croit combler la solitude par davantage d'absence. Il cherche aussi à se rapprocher de son fils en l'emmenant avec lui, sans ne jamais vouloir entendre que c'est contre sa volonté. Jim pense découvrir Roy en niant ses désirs et ses avis. On comprend bien vite que cette absence de lucidité lui coûte cher.

Le génie de David Vann, est selon moi d'avoir mis en lumière ces paradoxes sans jamais les évoquer explicitement. Plus on avance dans le livre plus on comprend que Jim se bat contre lui-même, contre ses peurs et tant qu'il ne voudra pas ouvrir les yeux il sombrera. Pour moi, c'est très révélateur de notre fonctionnement : on attire consciemment ou non ce que précisément nous voulons fuir tout en croyant que c'est ce qui va être salvateur.

Il me semble aussi que Sukkwan Island évoque cette fausse croyance qu'en partant, en s'éloignant de nos problèmes, ils vont disparaître. Jim part pour fuir sa réalité et comme si elle n'avait pas aimé cette trahison elle le rattrape plus violemment encore.

Enfin, ce que je trouve brillant dans ce roman c'est l’exact opposé de la beauté et la grandeur des paysages face à l'atmosphère pressurisant des relations entre Jim et Roy.  David Vann a réussi à rendre l'air irrespirable dans un immense et sublime espace.

Publié par Coraline