L’Emprise & Quinquennat, Marc Dugain




Marc Dugain, né le 3 mai 1957, apparut dans le monde littéraire avec l’édition, en 1998, de son premier roman La chambre des officiers pour lequel il reçut vingt prix littéraires, parmi lesquels le prix des libraires, celui des Deux-Magots ainsi que le prix Roger Nimier. Diplômé de l’Institut d’Etudes Politiques de Grenoble, expert-comptable reconnu, travaillant dans la finance pour la Caisse d’Épargne, entrepreneur connaissant la réussite dans l’aéronautique, il bascule dès 1999 et publie successivement onze romans dont trois se verront adaptés pour l’écran, La chambre des officiers, Une exécution sommaire et La malédiction d’Edgar ; ajoutons à cela la production d’un téléfilm, La bonté des femmes, le scénario d’une bande dessinée et la mise en scène au théâtre de : Une banale histoire d’Anton Tchekhov au théâtre de l’Atelier. 

J’ai commencé à lire Quinquennat sans savoir que le volume L’Emprise le précédait. Toutefois, la trame et l’écriture de ce second volet étaient suffisamment évocatrices pour m’obliger, page après page, à me perdre dans la noirceur d’un monde politique où se bousculent l’affairisme, l’ambition, la cupidité, le sexe pouvant conduire jusqu’au viol mais aussi des services spéciaux parfois peu regardant sur les moyens à employer pour obtenir le silence.

Octogénaire, bien établi à mon poste d’observation, il y a bien longtemps que la vision de notre société m’interdit le tri binaire entre le bien et le mal ; il existe encore des grisailles acceptables et des roses d’espoir. Ces deux romans décrivant les hautes sphères de l’État sont, pour ma part, désespérants à souhait avec des personnages, malheureusement, plus que probables. Un seul d’entre eux nous permet de penser à une possible et hypothétique idée de justice par son action et ses investigations journalistiques. Mais pourra-t il aller jusqu’au bout ?

Nous sommes ici au sommet de l’État et nous pourrions penser, après lecture, qu’en effet, « Il y a quelque chose de pourri au royaume de Danemark ». Toutefois, éternel optimiste, je m’ose à espérer que quelque humanité réchauffe toujours le cœur de nombre de nos élus, ceux qui restent à la recherche d’une société juste équitable et citoyenne. Pourquoi n’en parle-t-on pas ?


  Publié par Jacques    

Expiation, Ian McEwan




Ian McEwan est anglais et qui dit anglais dit corrosif, non ?

Né en 1948, Ian McEwan est un auteur réputé. Richard Ford dit de lui qu’il est le plus grand écrivain contemporain, rien que ça. Singapour, Libye, Allemagne, Ian McEwan a grandi dans plusieurs pays, suivant son père officier écossais dans l’armée britannique. Des études brillantes puis très tôt les premiers écrits, des nouvelles où déjà il parle de l’interdit, de la perversion, du mal, ces questions qui l’ obsèdent. Prix Fémina étranger en 1993 pour L’Enfant volé, l’auteur anglais y montre déjà son appétit pour les histoires tordues, mettant en scène des enfants qui perdent leur innocence  dans un mode sordide sujet de toutes les déviances. Plus tard, il obtiendra la consécration avec Amsterdam, qui fit polémique mais reçu le très prestigieux prix Booker 1998.

Expiation sort en 2001 et concentre ce qui fait le sel de l’œuvre provocatrice de McEwan : Été 1935, Briony, une petite fille de 13 ans, écrit une pièce de théâtre Les Tribulations d'Arabella en vue de l'arrivée de son frère Léon. Elle surprend sa sœur Cecilia se disputant près d'une fontaine avec le fils d'une employée de la maison, Robbie. Son manque de compréhension du monde adulte la pousse à commettre une faute qui fera basculer cette journée dans le drame : Robbie est incarcéré de force après avoir commis un terrible parjure, plus tard la guerre éclate et Robbie est envoyé au front en tant que soldat prisonnier. Briony deviendra infirmière, Cecilia, quant à elle, n'adressera plus jamais la parole à sa sœur. Briony, consciente qu'elle a détruit l'amour et la vie de deux jeunes âmes, tentera tout au long de son existence de retrouver contact avec sa sœur.

« Comment un écrivain peut-il se racheter, alors que, doué du pouvoir absolu de décider de la fin, il est également Dieu ? Il n'a personne, ni entité, ni forme supérieure à qui en appeler, avec qui se réconcilier ou qui puisse lui pardonner. Il n'existe rien en dehors de lui. En imagination, il a fixé les limites et les termes. »

L’histoire, bien que classique est très bien ficelée, pas un instant on ne s’ennuie en suivant le destin de Briony, de Cecilia et de Robbie. On sent que McEwan sait où il veut nous emmener et comment y aller, ce qui confère au récit une dimension de tragédie grecque. Très vite, la sombre destinée de nos trois personnages apparaît. Tout est tendu, ajusté au millimètre, McEwan se pose en orfèvre et sa macabre mécanique ne s’enraille pas, c’est aussi clinique que froid.

« Mon enfant bien-aimée, tu es jeune et charmante,
Mais naïve tu crois, car du monde ignorante,
Voir le monde à tes pieds,
Alors qu'il ne demande qu'à te piétiner. »

Le style de Ian McEwan est chirurgical. Il est d’une précision, d’un sens du détail aiguisé. Sans jamais sacrifier la clarté, son écriture reste néanmoins touffue, dense, ample. J’ai mis quelques dizaines de pages à m’approprier cette plume très reconnaissable. En parfait british, McEwan est un savant mélange entre acidité et humour, à peine dissimulé au détour d’une phrase à l’ironie grinçante.

« Au-delà d'un certain âge, traverser la ville donne désagréablement à penser. Les adresses des morts s'accumulent. »

Je pense qu’Expiation est un roman important, écrit par un grand auteur. Il partagera sans doute le lecteur qui peut ne pas entrer dans cette machine infernale mais on ne peut que saluer le travail d’horloger de McEwan qui livre un roman de 496 pages sans une once de gras.
Je lirai d’autres romans du Sir McEwan


PS : Expiation a été adapté au cinéma par Joe Wright sous le titre Reviens-moi avec Saoirse Ronan, Keira Knightley et James McAvoy. Je ne l’ai cependant pas vu dont je ne saurai vous en dire d’avantage, peut être lors d’un prochain billet !


Publié par Lux

Trilogie « Joe Leaphorn » de Tony Hillerman



La Voie de l’ennemi, 1990, Rivages, Noir, n°98, publié aux U.S.A en 1970
Là où danse les morts, 1986, Rivages, Noir, n°6, publié aux U.S.A. en 1973[1]
Femme qui écoute, 1988, Rivages, Noir, n°61, publié aux U.S.A. en 1978


L’auteur de cette série, Tony Hillerman, est un auteur américain de roman policier apportant dans ceux-ci une touche particulière d’ethnologie en choisissant de faire vivre ses récits au contact de la civilisation amérindienne, celle, en particulier, des Navajos.

Tony Hillerman est né le 27 mai 1925 à Sacred Heart, dans l’Oklahoma. Cet état, dont le nom, en amérindien de la tribu chotaw, signifie le « peuple rouge », possède de nos jours le plus grand nombre d’Amérindiens des U.S.A. Plus de 25 langues amérindiennes sont parlées, alors que 67 tribus et 39 nations sont reconnues par le gouvernement fédéral. L’Oklahoma est fier d’appartenir à l’État des « Native Americans », les Indiens d’Amérique. C’est ainsi que Tony Hillerman fut inscrit, dès son plus jeune âge, dans des écoles fréquentées par des enfants amérindiens. L’Oklahoma, de plus, touche au « Four Corners », situés en région désertique, sur le plateau du Colorado. Là, les parties de l’Arizona, du Nouveau-Mexique et de l’Utah se trouvent dans la réserve indienne navajo, alors que celle du Colorado est implantée dans une réserve Ute.

Combattant au cours de la Seconde Guerre Mondiale, Tony Hillerman pu assister, à son retour, en 1945, à un cérémonial navajo tenu pour aider les marines navajo ayant participé aux combats du Pacifique à retrouver leur santé et leur place dans leur monde environnant. C’est là qu’il découvrit « la Voie de l’ennemi », « Ennemy way ». Il restera marqué par cette vision.

Après avoir travaillé comme journaliste de1948 à 1962 et muni d’un master de journalisme, il enseignait de 1966 à 1987 à l’université du Nouveau-Mexique à Albuquerque.

Il restait au pays. Son premier roman parut en 1970, était le début d’une trilogie dont le héros sera Joe Leaphorn. L’intérêt de lire cette série dans l’ordre de publication d’origine est de suivre le héros Joe Leaphorn dans le cours de sa vie avec ses joies et ses problèmes. Des intrigues bien ficelées tiennent le lecteur en haleine et le projette dans le monde difficile d’une réserve indienne implantée en plein désert, avec un décor sauvage et rocailleux dans lequel les navajos, délaissant les logements construits par l’État, continuent à construire les hogans traditionnels : une maison conique, faite d’une armature de bois recouverte de terre avec un trou pour laisser passer la fumée et un étroit passage pour entrer. C’est là qu’ils resteront gardant la maison de l’Etat comme réserve. Une vie difficile mais fondée sur le culte de la nature et de l’harmonie.

Une lecture des plus agréables, réunissant un bon polar et un dépaysement total vers les westerns de notre enfance.


 Publié par Jacques




[1] Grand prix de la littérature policière 1987